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L’entraide judiciaire en matière pénale a longtemps été considérée comme entrant essentiellement dans la sphère des relations entre Etats. Les diverses instances politiques ont récemment pris conscience que cette conception devait être dépassée, l’efficacité de la lutte contre les agissements de la délinquance internationale, et notamment de la criminalité organisée, passant par une collaboration étroite, efficace et la plus directe possible entre les différentes autorités judiciaires, notamment européennes. S’en dégage une nouvelle conception de l’entraide pénale, dans laquelle l’autonomie des instances judiciaires est renforcée.

Jusqu’à présent, seul l’article 30 de la loi du 10 mars 1927 prévoyait les modalités d’application des commissions rogatoires étrangères en prescrivant notamment qu’elles sont exécutées conformément à la loi française. La loi du 23 juin 1999 renforçant l’efficacité de la procédure pénale a pour la première fois introduit, dans le code de procédure pénale, des dispositions sur l’entraide judiciaire qui constituent le titre X du livre IX de ce code.

Ces dispositions se décomposent en deux séries. la première a une portée générale ; la seconde traite uniquement des modalités d’entraide entre les Etats adhérents à la Convention d’application de l’Accord de Schengen, signée à Schengen le 19 juin 1990.


I. - LES DISPOSITIONS À PORTÉE GÉNÉRALE

1. L’adaptation de la réponse judiciaire française
à la demande étrangère

Le premier alinéa du nouvel article 694 du code de procédure pénale prévoit que les demandes d’entraide émanant des autorités judiciaires étrangères sont exécutées, selon l’origine de la demande ou la nature des actes sollicités, dans les formes prévues pour l’enquête, l’instruction ou le jugement.

Jusqu’à présent, les demandes d’entraide adressées par les juridictions étrangères étaient exécutées, soit par les procureurs de la République, soit par des juges d’instruction.
La loi nouvelle ne modifie pas ces attributions. Ainsi, l’alinéa 2 de l’article 694 prévoit notamment l’exécution par le juge d’instruction des actes demandés qui sont de sa seule compétence en droit français (par exemple, les mises en examen et les saisies de pièces et documents).

L’article 694 offre toutefois l’occasion de répondre de manière plus adaptée à certaines demandes étrangères.
Son alinéa 3 prévoit un cas où l’intervention d’une juridiction de jugement est obligatoire.

Ainsi, la demande d’audition d’un témoin peut-elle avoir pour origine une demande d’une juridiction de jugement. Il est alors normal que l’exécution de l’acte doive être confiée à la juridiction de jugement dès lors que, selon la demande présentée, l’exécution doit être faite en audience publique et contradictoire. C’est pourquoi le législateur a prévu de confier soit au juge correctionnel statuant à juge unique, soit au juge de police l’exécution de ces actes.

Il convient d’observer que les actes demandés par une juridiction criminelle seront exécutés par le juge correctionnel, qui constitue la seule juridiction pénale permanente susceptible de répondre à une juridiction de jugement étrangère pour accomplir des actes publics et contradictoires, avec le tribunal de police qui ne doit intervenir que pour les faits qualifiés de contraventions en droit français. Cette même juridiction correctionnelle sera compétente pour les faits qui ne constituent pas une infraction en droit français (cf. note 1) .

Le nouvel article 694, alinéa premier, a une portée encore plus large. il permet en effet à l’autorité judiciaire française d’exécuter un acte pour lequel elle est requise, non seulement en fonction de l’origine des demandes, mais aussi en fonction de la nature de l’acte.

Un acte de procédure demandé par un juge étranger doit souvent être entouré de formes particulières pour pouvoir être utilement invoqué devant une juridiction de jugement. Ainsi, l’audition d’un témoin doit-elle, pour respecter les principes de certains systèmes procéduraux aux européens, se dérouler en présence de l’avocat de la personne mise en cause. Parfois, des questions doivent pouvoir être posées par les avocats des parties elles-mêmes. Le seul recours aux règles actuelles de la procédure d’instruction préparatoire telles que fixées par le code de procédure pénale pouvait donc s’avérer insuffisant pour répondre utilement à la demande.

Dans les cas d’auditions requérant notamment la présence d’avocats des parties, la procédure d’instruction du dossier telle qu’elle s’organise dans le cadre de l’audience de jugement paraît seule de nature à aboutir à un résultat équivalent à celui recherché par l’autorité judiciaire requérante. Dès lors, le juge correctionnel statuant à juge unique ou le juge de police, selon le cas, procédera-t-il à l’exécution de l’acte d’entraide demandé pour un fait qualifié soit crime ou délit, soit contravention en droit français. Il pourra même prononcer le huis clos pour satisfaire aux exigences d’absence de publicité posées par la loi de l’Etat requérant.

Il convient d’observer que dans les cas où les formes de l’audience de jugement seront utilisées, une date d’audience devra être fixée par le ministère public et les différentes parties devront être citées dans les formes prévues par le code de procédure pénale.

Enfin, dans la perspective d’unifier les secteurs d’activité des magistrats, il pourra évidemment être envisagé qu’un juge d’instruction prolonge son activité dans le domaine des commissions rogatoires internationales en étant désigné, dans l’ordonnance de roulement, comme juge correctionnel compétent pour traiter les missions judiciaires précédemment évoquées.

2. La protection des intérêts essentiels de la France

L’efficacité de l’entraide judiciaire passe fréquemment par l’exécution d’actes urgents, la disparition des preuves ou des profits illicites s’avérant pouvoir être la conséquence d’une action judiciaire ne prenant pas en compte la rapidité d’action des délinquants. Par ailleurs, la transmission directe des actes d’entraide entre autorités judiciaires devient la pratique de droit commun entre les Etats adhérents à la Convention de Schengen. Toutefois, l’utilisation de ces circuits ne doit pas conduire à ignorer les impératifs liés à l’article 2 de la Convention européenne d’entraide judiciaire en matière pénale qui est repris d’ailleurs dans des termes très proches dans de nombreuses conventions bilatérales. Aux termes de cet article, l’entraide judiciaire peut être refusée d’une part lorsque la demande porte sur des infractions politiques ou fiscales (article 2, a) d’autre part lorsque la demande est de nature à porter atteinte à la sécurité, à l’ordre public ou aux autres intérêts essentiels de la France (article 2, b).

C’est aux autorités compétentes de l’Etat de décider s’il y a lieu de faire application de cet article 2, b. Aussi, l’article 696-2 prévoit-il que l’autorité judiciaire saisie d’une demande susceptible de rentrer dans le cadre d’application de l’article 2, b précité en informe l’autorité compétente, le juge d’instruction saisissant la Chancellerie par le canal du ministère public.

Cette disposition sera évidemment d’application très rare. en effet, l’action judiciaire n’est pas en soi de nature à porter atteinte aux intérêts essentiels du pays et doit, tout particulièrement entre les Etats de l’Union européenne, se développer dans un climat de confiance. Seules certaines demandes mettant en jeu des secrets dont la divulgation porterait atteinte aux intérêts essentiels du pays - notion qui concerne non seulement le domaine militaire, mais aussi notamment les domaines économique, écologique ou social - paraissent entrer dans le cadre d’application de ce texte.

La Chancellerie fera connaître la position adoptée à l’autorité judiciaire qui l’a saisie. En cas de refus d’entraide, celle-ci lui adressera en retour la mission sans en poursuivre l’exécution, afin qu’il soit procédé à la notification de ce refus aux autorités du pays requérant.

Enfin, l’article 696-1 est un rappel des principes existants en matière d’urgence dont la conséquence pratique est la suivante. le juge d’instruction français désirant obtenir un acte urgent s’adressera aux autorités compétentes de l’Etat requis. A cet égard, la méthode la plus efficace n’est pas toujours la transmission directe à l’autorité judiciaire étrangère d’exécution elle-même. Celle-ci doit en effet parfois obtenir une approbation ou une autorisation d’une autre autorité - cour d’appel, ministère de la justice - avant de procéder à l’exécution de la mission. Par cet article, la loi française marque, en revanche, clairement qu’aucun obstacle de droit interne n’existe pour la transmission urgente des actes d’entraide demandés par les magistrats français aux autorités judiciaires étrangères.

II. - LES DISPOSITIONS CONCERNANT LES PAYS
ADHÉRENTS À LA CONVENTION DE SCHENGEN

La seconde série d’innovations a pour champ d’application les relations d’entraide entre les pays européens parties à la Convention de Schengen.

L’article 695 du code de procédure pénale prévoit que le procureur général assure la transmission des demandes d’entraide et le retour des actes d’exécution dans le cadre du circuit de transmission directe, sans intervention des autorités centrales, tels qu’ils sont prévus par l’article 53 de la Convention de Schengen. Il confirme aussi les principes édictés par les directives établies lors de l’entrée en vigueur de cette convention.

Il convient de souligner l’importance de cette disposition, à une époque où la transmission directe entre autorités judiciaires doit devenir habituelle, étant observé que, désormais, les pratiques suivantes doivent être suivies. toute demande à destination d’un pays partie à la Convention de Schengen sera acheminée directement par le parquet général à l’autorité judiciaire étrangère compétente dès lors que la mission ne vise aucune convention ou dès lors qu’elle vise à la fois la Convention du 20 avril 1959 et la Convention de Schengen.

Les services de la Chancellerie, pour leur part, inviteront leurs homologues étrangers à promouvoir la généralisation, de la même manière, des transmissions directes de missions judiciaires pour lesquelles la France est requise.

Par ailleurs, l’article 696 déconcentre la procédure de retour des pièces d’exécution d’une commission rogatoire lorsque l’exécution de celle-ci a été demandée en urgence. en effet, l’articulation entre la procédure d’urgence prévue par l’article 15, paragraphe 2, de la Convention du 20 avril 1959 et l’article 53 de la Convention de Schengen n’était pas prévue de telle sorte que, paradoxalement, une mission transmise directement à une autorité judiciaire par la voie de l’urgence devait être retournée, après exécution, par la voie des autorités centrales. C’est pourquoi l’article 696 précité confie au procureur général compétence pour assurer le retour des pièces d’exécution vers l’autorité judiciaire requérante.

L’ensemble de ces dispositions législatives, malgré leurs objets différents, est animé par un même objectif. donner aux autorités judiciaires les moyens les plus efficaces pour traiter les missions étrangères et leur fournir un circuit plus adapté au traitement de leurs propres dossiers.
Je vous serais obligé de bien vouloir me tenir informée des conditions d’application de ces nouveaux textes et des éventuelles difficultés d’application.

Le Garde des sceaux, ministre de la justice
Elisabeth Guigou